Potentiomètres et pédales d'effet

Vous vous rappelez de mon article sur les résistances ? On va maintenant voir un deuxième composant essentiel dans les pédales d'effet : le potentiomètre. Essentiel, car c'est un des deux seuls composants (avec les switchs) qui va vous permettre de moduler le son produit par votre effet, et en plus de manière continue (de 0 à X, avec toutes les valeurs entre !). On va tout d'abord voir ce qu'est un potentiomètre, comment il fonctionne, puis je vous montrerai différentes manières communes de s'en servir dans une pédale d'effet.




Le potentiomètre : késako ?


Un potentiomètre, c'est tout simplement une résistance, variable ! Comme toutes les résistances, sa valeur est donc exprimée en ohm. Généralement, les valeurs vont de 1k à 10M. On tourne le potentiomètre, et la valeur change. Il a trois pattes comme vous pouvez le voir ici :
potentiometer a b c 1 2 3
Il s'agit en quelque sorte de 2 résistances combinées. La valeur entre A et C (Rac) est constante, et vaut la valeur du potentiomètre (100 k par exemple), alors que la valeur de résistance entre A et B et A et C sera comprise entre 0 et 100k selon la rotation du potentiomètre. C'est comme si on divisait une résistance en deux:
potentiomètre A B C
La valeur de Rab et Rac varie selon la rotation du potentiomètre, mais Rab + Rbc est une constante, égale valeur du potentiomètre (Rac). Le symbole du potentiomètre est le suivant (1=A, 2=B, 3=C) :
potentiomètre A B C symbole
En fait, dans le potentiomètre, il y a une piste résistive. En tournant le potentiomètre, on fait varier la longueur de cette piste entre deux pattes, et donc on fait varier la valeur de la résistance. Voici un schéma en gif animé que j'ai réalisé pour essayer de rendre cela clair :
potentiomètre A B C fonctionnement
Donc quand on tourne le potentiomètre vers la droite, la résistance entre A et B augmente. Quand on le tourne vers la gauche, elle diminue.
A l'inverse, si on tourne le potentiomètre vers la droite, on diminue la résistance entre B et C, et inversément.
La résistance entre A et C reste constante = valeur du potentiomètre.

Selon ce qu'on veut faire on peut câbler le potentiomètre différemment. Si on veut que la résistance diminue quand on tourne le potard vers la droite, on câble entre B et C:
potentiomètre A B C fonctionnement
On peut donc remplacer n'importe quelle résistance du circuit et la faire varier de cette manière !

Et les trimpots alors ?
Un trimpot est un "mini" potentiomètre ! Il fonctionne exactement comme le potentiomètre, avec trois pattes, mais doit être réglé avec un tournevis. Pratique pour ajuster la valeur de certains résistances sans avoir à souder / dessouder sans arrêt.


Logarithmique, linéaire ? Mono, stéréo ? 


Le potentiomètre est donc caractérisé par sa valeur de résistance (1k,100k, 2M...etc), mais pas que !

La manière dont la résistance varie peut être linéaire ou logarithmique (aussi appelé audio). Quand un potentiomètre est linéaire, cela veut dire que lorsqu'on tourne celui ci, la résistance va varier de manière linéaire (merci, capitaine obvious), alors que pour un logarithmique, la résistance va varier en logarithme. Pour les plus réticents aux maths d'entre nous, cela veut dire que la résistance va varier très peu en début de course, puis va augmenter soudainement en milieu / fin de course.

potentiomètre linéaire vs logarithmique

Alors je vous vois déjà arriver : pourquoi utiliser un potentiomètre logarithmique ?

Il y a deux raisons à cela :
  1. L'oreille humaine perçoit le volume sonore de manière logarithmique. L'échelle du bruit (décibel) est en réalité une échelle logarithmique ! Détail qui a son importance, car entre 95 et 96 Db par exemple, on a en fait énormément augmenté le volume. Vous imaginez donc bien que pour certaines application, comme un potentiomètre de volume, un logarithmique pourra parfois être plus adapté.
  2. On a des variations plus importantes en milieu de course, ce qui laisse plus de précision en début de course. Ca peut être plus pratique pour régler certains paramètres où on veut pouvoir régler plus précisément les faibles niveau. Pour un potentiomètre de gain, ça peut être sympa dans certains cas pour ajuster plus précisément un petit crunch. De même, on peut utiliser un logarithmique inversé si on veut pouvoir régler précisément en milieu de course et à la fin. 
Les potentiomètres sont annotés différemment selon leur caractéristiques :
  • "A" = audio = logarithmique
  • "B" = linéaire
  • "C" = logarithmique inversé 
Ainsi, un potentiomètre 100k linéaire sera annoté "B100k" :
potentiomètre schéma
Un audio "A100k"...Etc.

Enfin, un potentiomètre peut être mono ou stéréo. Quand le potentiomètre est stéréo, il y a en fait 2 pistes séparées, il s'agit d'un double potentiomètre. On a donc 6 pattes :
Afficher l'image d'origine

C'est comme si on avait deux potentiomètres en un ! Ils sont rarement utilisés dans les pédales d'effets, qui sont le plus souvent mono, sauf dans certains cas spécifiques (Klon centaur par exemple). Mais parfois ça peut être pratique si on veut un seul potentiomètre qui joue deux rôles différents à la fois.

Regardons comment les utiliser maintenant !


Utilisations classiques d'un potentiomètre


1. Réglage du volume en sortie
En sortie d'un effet, le volume peut être souvent bien plus important que le volume de départ, notamment dans un boost ou une overdrive qui présentent souvent un deuxième étage de gain qui permet de hausser le volume.

Il faut donc pouvoir régler le volume ! Pour cela, on utilise un potentiomètre câblé en résistance variable, qui va éliminer un peu de signal, en envoyant une partie du signal vers la masse. Le potentiomètre est parfait pour ça, puis qu'il peut diviser le signal en deux !
potentiomètre volume
Le schéma "officiel" est à gauche, à droite j'ai représenté le potentiomètre comme deux résistances. On peut faire varier Rab et Rbc, et donc on fait varier les deux résistances !

A noter qu'on fait entrer le signal par "C" (3), pour que quand on tourne vers la droite, la résistance Rbc augmente (et Rab diminue conjointement), de manière à avoir moins de signal qui va vers la masse : le volume augmente !

Ce système est utilisé dans quasiment toutes les pédales d'effet qui ont un "master volume" : la Fuzz Face, la Big Muff, la Tube Screamer, toutes les pédales avec un volume utilisent ce système !


2. Réglage du gain 
Sur un ampli opérationnel, on définit le gain de celui ci avec deux résistances (cf article précédent sur les résistances) :
inverseur non inverseur AOP  
Le gain de l'AOP est défini par R2/R1 (en inverseur), ou 1+ R4/R3 (en non inverseur). On imagine donc bien que si on remplace une des deux résistances par un potentiomètre, on va pouvoir définir le gain de l'AOP (et donc l'amplification par celui ci).
En rajoutant des diodes dans la boucle, qui vont permettre d'écrêter le signal et de créer la saturation, on aura donc une belle saturation réglable grâce au potentiomètre.

Et bien figurez vous que c'est ce qui est présent dans la plupart des pédales de saturation utilisant des AOP ! Voici un exemple tiré de l'étage de gain de la Jan Ray :
AOP Jan Ray gain schematic
Donc on a 4 diodes qui vont écrêter le signal, un condensateur de 47pF pour filtrer un peu les aigus, et la fameuse résistance qui va définir le gain (et la saturation), définie par R4 + le potentiomètre de gain.
Si on regarde, on voit que plus on tourne le potentiomètre, plus la résistance augmente, et donc plus le gain (égal à (R4+pot) / une autre résistance) augmente !

C'est exactement le même système dans la Tube Screamer, la RAT ou d'autres pédales utilisant des AOP !


3. Jouer sur les filtres pour augmenter basses / aigus...etc
 Les filtres passifs passe haut ou passe bas permettent de filtrer des aigus ou les basses. Un filtre passe haut laisse les fréquences passer quand elles sont au dessus d'une fréquence donnée (fréquence de coupe, cutoff en anglais), alors qu'un filtre passe bas laisse passer les fréquences en dessous d'une fréquence de coupure donnée.
Low Pass High Pass filter 
Si on résume, les filtres passe-haut laissent passer les aigus, et les filtre passe bas laissent passer les basses. Comme vous pouvez le voir sur le graphique ci dessus, le son n'est pas coupé d'un seul coup, mais progressivement à partir de la fréquence de coupure. On peut calculer la fréquence de coupure (cutoff) avec la formule :
passive filter cutoff frequency formula
Donc on voit bien que si on fait varier R (ou C), on va faire varier cette fréquence, et donc on va laisser passer plus ou moins de basses / aigus selon la nature du filtre.

La plupart des potentiomètres de "Tone" (y compris sur votre guitare) fonctionnent avec un filtre passe bas où la résistance est remplacée par un potentiomètre. Voici un exemple tiré de la RAT :
RAT filtre schéma
Vous pouvez voir qu'il est inversé : plus on tourne le potentiomètre, plus la résistance augmente, donc plus la fréquence de coupure est basse : on enlève des aigus. Du coup c'est un genre de tone qui marche "à l'envers". Il suffirait de câbler le potentiomètre dans l'autre sens pour avoir un "tone" plus classique.

Et voilà !

On aura déjà fait un rapide tour d'horizon des principaux rôles des potentiomètres. Expérimentez ! Prenez une résistance, et remplacez la par un potentiomètre pour voir qu'est ce que cela vous apporte !

J'espère que cet article vous a été utile ! N'hésitez pas à me remercier en likant la page Facebook Coda Effects, ou en vous inscrivant à la newsletter !


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6 Commentaires
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Super article, parfait pour les gens se lance (comme moi) dans la fabrication :
Merci :)

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Bonjour,Wiki,Sonelec,etc,disent:A=LIN,B=lOG,qui a raison ?,je constate que même certaines personnes en viennent aux insultes sur certains forums!!!!!!!qui a raison? bon week end a vous,et merci d'avance

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Effectivement c'est quelquefois houleux sur le sujet... J'espère ne pas déclencher la guerre électronique avec ce qui suit!
Il me semble que B=LIN au Japon, et A=LIN en Europe. Donc tout le monde a raison... En consequence, il serait prudent d'indiquer par exemple 100KLIN ou 100KLOG, plutôt que 100KB!
Par exemple, la Fuzz Dolmen de coda-effects utilise des 100KB. On peut supposer que ce sont des 100KLIN. Est-ce bien le cas?
Merci pour une confirmation!

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Haha, de mon coté, je me suis toujours référé à "A" = Audio = log et "B" = linéaire. Je suis sûr pour les potentiomètres alpha de cette annotation (j'avais fait des mesures à un moment).

Visiblement, il n'y a pas de standard international et en Europe la convention veut que "A" = linéaire et "B" = audio. D'où les références Wikipedia, Sonelec qui suivent cette convention

Sauf que dans la mesure où on utilise quasiment que des potentiomètres Alpha qui sont marqués dans la convention américaine (A=log et B=lin) et bien du coup je m'américanise et je n'utilise que ces annotations ;)

La Big Muff est tout en linéaire, donc la Dolmen Fuzz aussi du coup !

Benoit

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Super article très bien détaillé ! Merci Benoit :-)

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Bonjour, je débute vraiment et tout tes articles me passionnent mais voilà, j'ai un bug sur celui-là: Au niveau de l'animation GIf, tu expliques que lors d'un câblage in/out dans B et C, quand on tourne vers la droite, la résistance diminue. Hors dans le paragraphe "réglage de volume de sortie", tu rentres en C , ressort en B et tu dis qu'en tournant à droite le potard, la résistance augmente (alors que je penserais l'inverse) . je suis un peu perdu car il me semble qu'on utilise la même portion de piste résistante dans ces deux cas, non? et d'ailleurs, pourquoi rentrer en C plutôt qu'en B ? voilà, je débute alors je pense qu'il y a un truc que j'ai pas dut saisir... par avance merci pour ta réponse. Luc

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